Ce qu'il faut retenir de la première interview de Brett Robinson, nouveau président de World Rugby (2024)

L’Australien Brett Robinson, élu président de World Rugby jeudi 14 novembre, a donné sa première conférence de presse durant laquelle il a dressé les grandes orientations qu’il compte donner à son mandat.

Ce jeudi 14 novembre restera un jour probablement inoubliable pour Brett Robinson. L’Australien s’est réveillé hier matin à Dublin dans la peau d’un des trois candidats à la succession de Bill Beaumont en tant que président de World Rugby.

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À l’heure du déjeuner, il a devancé ses deux rivaux, l’Italien Andrea Rinaldo et le Franco-Marocain Abdelatif Benazzi, battu de deux petites voix au second tour. Une victoire qui fait de Robinson, 54 ans, le premier dirigeant de l’instance mondiale issu de l’hémisphère sud.

Après avoir fêté ce succès au Marker Hotel autour de quelques pintes de bière, Robinson a rejoint le siège de World Rugby pour tenir sa première conférence de presse en tant que président.

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L’ancien Wallaby était accompagné de son vice-président élu Jonathan Webb, ex-arrière de l’Angleterre, et d’Alan Gilpin, le directeur général de World Rugby, pour répondre 40 minutes durant aux questions des journalistes présents sur place – dont RugbyPass – ou à distance, la conférence étant également accessible via Zoom.

En voici les temps forts.

Que ressentez-vous maintenant que vous êtes élu? Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Brett Robinson: « C’est un immense privilège d’être élu président de World Rugby. Le rugby a toujours fait partie de ma vie et aujourd’hui, après avoir été encouragé à me présenter par mes collègues, être élu est un privilège, un moment de grande fierté personnelle. J’aimerais également saluer Bill Beaumont qui quitte la présidence après huit ans de gouvernance et qui me passe la balle. Je remercie également les autres candidats, Andrea et Abdel. Abdel et moi avons joué l’un contre l’autre, j’ai joué un test contre lui à Ballymore. Lorsque je suis venu jouer au Royaume-Uni, il m’a hébergé dans son appartement à Biarritz, ce qui m’a permis de bien le connaître en tant qu’homme, en tant que joueur et, bien sûr, aujourd’hui en tant que collègue. L’élection a été très serrée, il y avait de très bons candidats, donc être élu est un grand honneur et un privilège. »

Pouvez-vous nous dire ce que figure sur votre to-do list pour les 30 à 60 jours à venir?

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« Alan (Gilpin) et moi allons nous retrouver lundi, comme nous l’avions convenu en cas d’élection. Cela fait maintenant huit ans que je siège au conseil d’administration, nous avons donc fait un bout de chemin ensemble. Nous avons pris des décisions stratégiques importantes et il est important que nous nous réunissions pour planifier les trois ou quatre prochains mois afin de nous reconnecter. Avec un nouveau conseil d’administration, avec nos membres et nous devons redéfinir les quatre prochaines années. Il va y avoir une réflexion sur des choses dont nous sommes satisfaits, qui vont dans le sens que nous souhaitons. Peut-être y a-t-il d’autres éléments à mieux valoriser, d’autres choses à ne pas faire. Il est vraiment important, en tant que président du conseil, que je facilite cette connexion avec Alan et l’équipe, ainsi qu’avec nos membres, afin qu’au milieu de l’année prochaine, à l’approche de la Coupe du Monde féminine, nous mettions vraiment le cap sur ce qui nous semble être les choses les plus importantes pour notre sport. »

On a pu lire dans la presse australienne que le bien-être et la santé de chacun avaient toujours été une priorité pour vous. Qu’est-ce que cela signifie pour le rugby?

« Jonathan (Webb) et moi sommes tous deux médecins. En tant qu’anciens joueurs internationaux, le rugby nous passionne, et nous souhaitons créer un environnement où nos joueurs sont en sécurité. Je suis moi-même chercheur dans le domaine des commotions cérébrales à l’université du Queensland, tandis que Jonathan est directement impliqué, en tant que praticien, dans tout ce qui a trait à la sécurité et au bien-être des joueurs. Nous aimons notre sport, nous voulons qu’il soit sûr et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les jeunes garçons et filles, les mères et les pères se sentent en sécurité lorsqu’ils jouent à ce sport formidable qui a tant à offrir. »

«Le problème N.1, c’est la viabilité financière des fédérations »

Dans quelle mesure la situation financière menace-t-elle le rugby ? Les salaires des joueurs sont-ils trop élevés ?

«Au cours des six derniers mois, j’ai passé du temps à discuter avec tous nos membres, à m’engager, à écouter et à comprendre certains des principaux défis. Cela a conduit aux quatre ou cinq principaux engagements que j’ai pris dans ma déclaration aux membres qui m’ont élu. Je pense que le problème numéro un auquel nous sommes confrontés, pas nécessairement au sein de World Rugby, mais dans le monde du rugby, c’est la viabilité financière de nos fédérations membres. Le Board en a conscience. Il y a environ deux mois, un groupe de travail s’est réuni ici à Dublin. Nous avons réuni les principaux dirigeants des fédérations pour comprendre tous ensemble quelles étaient les sources principales de revenus et de coûts que nous devions examiner pour faire face à ces défis économiques. L’un d’entre eux est en effet l’inflation salariale des joueurs. »

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Ce qu'il faut retenir de la première interview de Brett Robinson, nouveau président de World Rugby (3)

De nouvelles règles mises à l’essai ont été annoncées. Que pouvez-vous nous en dire?

« Je suis très optimiste quant à l’évolution de notre sport. La Coupe du Monde en France l’année dernière a été merveilleuse, mais il en est ressorti des choses qui nous ont tous frustrés. En mars dernier, avec Alan et son équipe, nous avons réuni tous les principaux acteurs de World Rugby pour discuter des données recueillies auprès des supporters. Il en ressortait qu’il y avait trop de coups de pied, qu’il fallait privilégier les courses avec ballon et mieux gérer les temps morts. Des groupes de travail ont été créés pour traiter plusieurs de ces questions et nous sommes parvenus à un ensemble d’essais mis en œuvre durant le Rugby Championship, la fenêtre de juillet et maintenant les séries d’automne. Cela répond largement à certaines de ces frustrations. Le “ball in play” a augmenté de plus de trois minutes grâce à certains de ces changements. Il y a encore des choses à améliorer, mais cela va dans le bon sens sur par exemple les petits trains derrière les rucks, le ping-pong rugby. On voit plus de contre-attaques et de ballons contestés en l’air qui créent de l’incertitude.

« Nous attendons la fin du Tournoi des Six Nations pour examiner les données relatives au carton rouge de 20 minutes »

Où en est-on du carton rouge de 20 minuteset l’interdiction des escortes sur les ballons hauts dont certains entraîneurs se plaignent?

«Aujourd’hui (jeudi, NDLR), nous avons décidé avec tous les membres du Conseil de donner plus de temps à l’évaluation du carton rouge de 20 minutes, du carton rouge complet et du carton jaune, afin de recueillir plus de données en provenance du Nord. Les tests d’automne n’ont commencé que depuis une semaine, et nous avons estimé qu’il était préférable – et l’hémisphère sud était tout à fait d’accord – que le nord passe un peu plus de temps à assimiler cela et constate que cela peut être un outil vraiment puissant. Nous attendons la fin du Tournoi des Six Nations pour rassembler et examiner les données.»

Les efforts déployés en faveur des pays du Tier 2 sont-ils suffisants et que pouvez-vous faire de mieux à l’avenir ?

«Je viens de Brisbane en Australie, et là-bas nous sommes très proches des îles du Pacifique. World Rugby, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont fait des choses incroyables pour développer et soutenir les îles du Pacifique avec l’instauration de compétitions, la formation d’arbitres, le développement du rugby féminin, aux Fidji, aux Tonga, aux Samoa et maintenant avec les Fijian Drua et les Moana Pasifika. World Rugby a investi massivement dans les infrastructures, rendant les équipes plus compétitives. Nous avons fait la même chose en Argentine au fil des ans, nous avons soutenu le rugby argentin et les Jaguares. Tout récemment, nous avons investi massivement dans le Championnat des nations du Pacifique, qui a été une merveilleuse compétition. La finale entre les Fidji et le Japon à Tokyo a été magnifique. Pour moi, c’est un excellent signal de l’investissement que nous faisons. Le Championnat des nations du Pacifique est cette merveilleuse compétition pas si loin du Rugby Championship et du Tournoi des Six Nations. World Rugby s’occupe sérieusement de tout cela afin d’avoir 24 équipes compétitives pour la Coupe du Monde en Australie en 2027.»

Le rugby a connu un fort développement ces dernières années. Quels sont les projets pour continuer à développer le rugby dans des pays qui n’y jouent pas?

«C’est formidable. On parle de près de neuf millions de joueurs, dont trois millions de femmes. C’est une statistique incroyable et, en tant qu’Australien, lorsque je parle à mes homologues du rugby à XIII, c’est un chiffre que j’aime mettre en avant. Notre objectif est de développer ce sport formidable et Alan et l’équipe ont travaillé très dur dans ce sens pendant de très nombreuses années. Pour ce faire, il faut avoir le courage de prendre des décisions sur les domaines dans lesquels nous portons ou non nos efforts afin de maximiser les opportunités de croissance. Qu’il s’agisse des marchés eux-mêmes, du rugby féminin ou du rugby à VII, c’est au cœur de nos efforts. Nous assumons totalement la volonté de soutenir la croissance de notre sport.»

« Plus nous aurons d’informations, plus nous pourrons protéger les joueurs »

La vente record de billets pour la Coupe du monde de football féminin de l’année prochaine suscite un intérêt incroyable. Quelle est l’importance du rugby féminin pour faire progresser le sport dans son ensemble ?

«L’investissement de World Rugby dans le rugby féminin au cours des dernières années nous fait parfois oublier d’où nous venons, à quelle vitesse nous avons grandi et ce que nous avons accompli. Passer de la Coupe du Monde à Auckland après la pandémie à un match à guichets fermés entre la Nouvelle-Zélande et l’Angleterre, c’était tout simplement merveilleux. Aux Jeux olympiques, les Canadiennes et les Américaines sont montées sur le podium avec les Kiwis, ce qui a été fantastique pour la croissance du jeu. L’année prochaine sera également très importante pour le sport féminin. Les premières indications sur les ventes de billets et l’attrait des investisseurs et des sponsors, des sponsors qui ne font pas partie des marchés traditionnels, sont des signes très encourageants.»

Avec la réorganisation du calendrier international, les joueurs disposent-ils de suffisamment de temps de repos et que pouvons-nous faire pour équilibrer les choses ?

«Encore une fois, Jonathan et moi, de par nos parcours, sommes très concernés par la sécurité des joueurs et les charges de travail qu’ils peuvent endurer. Quelles charges sont appropriées et lesquelles ne le sont pas. Le protège-dents connecté que nous avons introduit ne concerne pas seulement les contacts à la tête, mais aussi l’ensemble des chocs subis par les joueurs. Combien d’heures de contact par semaine sont-elles appropriées ? Combien de matchs sont appropriés ? Il s’agit en fait de recueillir des données pour mieux comprendre la situation et contribuer à informer sur ce que nous pourrions faire pour dire « d’accord ». Les joueurs ont besoin de se reposer, de se régénérer, de se reconstruire. Pour faire une longue carrière, il faut passer par un cycle qui le permette. Plus nous aurons d’informations, plus nous pourrons créer des environnements où nous pourrons protéger nos joueurs.»

Quelle est la tâche à laquelle vous souhaitez vous atteler en premier ?

«J’ai vraiment hâte de m’asseoir avec Alan et de planifier les six prochains mois. Nous avons mis en place de très bons plans. Nous avons la possibilité de nous améliorer. Mais l’autre chose que je veux vraiment faire, c’est unir le jeu. Nous avons des divergences d’opinions, nous avons des défis à relever et certaines personnes seront déçues par les élections. Il est très important, dans mon rôle, que je rassemble les joueurs, que nous nous mettions d’accord sur ce qu’est un succès partagé et que nous le poursuivions ensemble, car nous savons que les équipes les plus unies sont les plus puissantes – et je pense que mon rôle en tant que président est de faciliter cette évolution.»

Cet article a été initialement publié sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.

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